Les jardins d’Annevoie
Question écrite à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique
Il
semble que le dossier des jardins d'Annevoie - fleuron du tourisme
mosan - ait abouti à la vente définitive du domaine, l'acte ayant été
signé devant notaire à la mi-mars.
On le sait, la « saga » des
jardins d'Annevoie a débuté en 1999, avec le rachat par diverses
structures juridiques contrôlées par Stéphane Jourdain des
19 hectares du domaine d'Annevoie pour la somme de 1,750 million
d'euros.
S'en sont suivi divers événements, dont une
réorganisation en 2004 ou encore l'achat des terrains environnants et de
la marque par l'actionnaire privé. On sait que certaines difficultés
sont apparues dans ce dossier, ce qui amènera plusieurs observateurs à
parler d'un « mauvais feuilleton » pour ce fleuron touristique.
Le
26 février 2015, le Gouvernement mandatait la SOGEPA afin de finaliser
la négociation amenant à la sortie de Monsieur Jourdain de ce dossier.
Suite
à cela, en octobre dernier, nous avons eu l'occasion d'échanger sur le
protocole d'accord conclu entre M. Loumaye - le repreneur -, M. Jourdain
et la SOGEPA.
On se souvient que diverses conditions suspensives avaient alors été posées.
Monsieur
le Ministre peut-il faire le point sur l'aboutissement du dossier ?
Quelle vision porte-t-il sur l'accord conclu, notamment en
termes d'impact financier pour la Wallonie ?
Peut-il préciser
les contours de l'accord conclu ? Peut-il repréciser les conditions qui
avaient été posées en octobre dernier ? Sont-elles toutes rencontrées ?
Dorénavant, quel sera le rôle la SOGEPA dans la suite des accords passés ? Sa mission est-elle définitivement clôturée ?
Enfin,
comme Monsieur le Ministre le rappelait en octobre, l'une des
conditions était que le repreneur s'engage à demander auprès des
autorités la reconnaissance du domaine en tant qu'attraction
touristique. Un tel engagement a-t-il été acté ? Quelles sont les
garanties fournies par le repreneur quant au fait que le site, qui a
bénéficié d'aides publiques, restera bien un site touristique largement
ouvert au public ?
Réponse
Voici un historique du dossier, ainsi qu'un point sur les évènements les plus récents.
La
Région wallonne (la « RW ») est propriétaire du Domaine des Jardins
d'Annevoie, propriété historique de la famille de Montpellier
d'Annevoie, composé de jardins du XVIIIe siècle et de diverses
constructions d'époque.
Par acte du 22 juillet 2004, elle a
concédé à l'ASBL Les Jardins d'Annevoie contrôlée par M. Jourdain
(l'« ASBL ») un bail emphytéotique de 49 ans portant sur l'ensemble du
Domaine d'Annevoie. Le 4 avril 2006, aux termes d'un acte entre l'ASBL,
la RW et la SA Filpar (« Filpar »), le droit d'emphytéose portant sur le
château et les dépendances bâties du Domaine a été cédé à Filpar, qui
l'a elle-même cédée par la suite à la SPRL Fond'Roy Exploitation
(ci-après « Fond'Roy »), également contrôlée majoritairement par M.
Jourdain.
L'ASBL (désormais en liquidation depuis 2011) détenait
donc à cette époque uniquement un bail emphytéotique sur les jardins du
Domaine d'Annevoie tandis que le bail portant sur les parties bâties
était détenu par Fond'Roy.
Le 14 octobre 2011, l'ASBL,
représentée par son nouveau liquidateur et, diverses personnes morales
contrôlées par M. Jourdain ont conclu différentes conventions aux termes
desquelles le bail emphytéotique portant sur les jardins a été scindé,
sans l'accord de la RW, en deux parties et cédés (i) d'une part à l'ASBL
Jardanne («Jardanne»), récemment constituée par M. Jourdain et (ii)
d'autre part à Filpar. En raison notamment de différents
travaux entrepris par M. Jourdain dans le Domaine d'Annevoie au cours
des années 2004 à 2009, sans permis préalable et sans certificats de
patrimoine, les relations entre la RW, M. Jourdain et l'ensemble des
personnes morales liées à celui-ci se sont fortement dégradées.
Diverses procédures judiciaires ont alors été introduites. Cela
a donné lieu à un jugement du 12 juin 2013 qui, malgré une motivation à
tout le moins contestable, fait droit aux demandes principales de la RW
puisqu'il met fin au bail emphytéotique, ordonne l'expulsion des
entités de M. Jourdain du Domaine et ordonne l'exécution provisoire du
jugement sous peine d'astreinte. Ce jugement était toutefois rendu en
première instance et était donc susceptible d'appel.
Au regard
des nombreuses procédures judiciaires en cours dont l'issue est toujours
incertaine et dans l'intérêt du Domaine d'Annevoie et de sa pérennité,
la RW a entamé des négociations avec M. Jourdain afin de trouver une
solution amiable dans ce dossier, ce qui nécessitait nécessairement
l'intervention d'un tiers désireux de reprendre la gestion du Domaine en
lieu et place de M. Jourdain (et ses différentes entités).
Aux
termes d'un protocole signé le 29 juillet 2016, un accord a été trouvé
entre la RW, M. Jourdain (et ses différentes entités) et M. Loumaye,
tiers repreneur de la gestion du Domaine (le « Protocole »).
L'entrée
en vigueur du Protocole et le closing de la transaction étaient
soumises à la réalisation de diverses conditions suspensives :
- l'accord du Gouvernement wallon sur l'ensemble des dispositions du Protocole : cet accord a été obtenu le 29 septembre 2016 ;
- l'attribution à Monsieur Loumaye de l'ensemble des actifs immobiliers détenus par Fond'Roy : Monsieur Loumaye a fait une offre de reprise des actifs immobiliers de Fond'Roy conformément aux dispositions du Protocole. Fond'Roy ayant été déclarée en faillite par jugement du Tribunal de Commerce de Bruxelles du 15 octobre 2012, la vente de ses actifs à Monsieur Loumaye par son curateur était soumise à l'accord préalable du Tribunal. Cet accord a été obtenu le 6 février 2017 et le curateur a confirmé son acceptation de l'offre faite par M. Loumaye le 23 février 2017;
- la réalisation au plus tard à la Date du Closing de la vente par Annevoie à Filpar des Biens Annexes telle que spécifiée dans le Protocole afin que Filpar puisse ensuite les revendre à M. Loumaye : cette condition a été réalisée le jour du closing avant toute autre action ;
- la réalisation, à la Date du Closing, de la vente par Jardanne à Monsieur Loumaye des actifs mobiliers corporels et incorporels relatifs au Domaine (en ce compris les droits intellectuels) : cette condition a été réalisée le jour du closing en seconde action.
Le Protocole prévoyait la tenue du closing dans
les 15 jours calendriers de la réalisation des conditions suspensives,
de sorte que celui-ci a eu lieu le vendredi 10 mars 2017.
Les
différents actes suivants ont été conclus devant les notaires en charge
du dossier afin de permettre la réalisation parfaite du Protocole :
- la vente effective des biens immobiliers de Fond'Roy à la fondation constituée et contrôlée par M. Loumaye (la « Fondation ») (en ce compris le bail emphytéotique portant sur le château du Domaine et divers biens immobiliers) ;
- la cession de l'emphytéose portant sur les jardins du Domaine d'Annevoie par Filpar et Jardanne à la Fondation;
- l'acquisition par la RW des droits intellectuels relatifs au Domaine d'Annevoie récemment acquis par la Fondation à Filpar. Il était en effet dans l'intérêt de la RW, en qualité de propriétaire du Domaine d'Annevoie, de détenir les droits intellectuels le concernant. Une licence sur ces droits a ensuite été concédée par la RW à la Fondation dans le cadre de la gestion par cette dernière du Domaine d'Annevoie;
- l'acquisition par la RW du parking relatif au Domaine, récemment acquis par M. Loumaye à Fond'Roy : la RW étant propriétaire du reste du Domaine d'Annevoie, il était souhaitable que la RW détienne également la pleine propriété du parking pour assurer un ensemble cohérent ;
- un échange entre deux parcelles de terrains a été réalisé entre la Fondation et la RW ;
après
que les baux emphytéotiques sur les jardins et les parties bâties du
Domaine d'Annnevoie aient été cédés par les entités de M. Jourdain à la
Fondation, celle-ci est devenue le nouvel emphytéote du Domaine
d'Annevoie.
Dans un souci de cohérence et dans l'intérêt de
toutes les parties, un nouveau bail emphytéotique a alors été conclu
entre la RW (propriétaire du Domaine) et la Fondation (emphytéote) pour
une durée de 99 ans permettant ainsi de réunifier l'emphytéose du
Domaine en un seul acte.
Aux termes de ce bail emphytéotique, les engagements suivants ont notamment été pris par la Fondation :
- paiement d'un canon, payable à la RW pour autant que, lors de la clôture des comptes annuels de l'emphytéote, il est constaté que la gestion du Domaine d'Annevoie génère un bénéfice pour l'emphytéote (condition présumée) ;
- garantir l'accès aux Jardins au public, sauf
force majeure 6 jours par semaine en ce compris notamment les samedis,
dimanches et jours fériés, pour une période s'étalant chaque année au
minimum de Pâques à la Toussaint inclus;
- exploiter effectivement les Jardins d'Annevoie;
- entretenir les bâtiments et ouvrages construits, d'y faire les grosses réparations de toute nature sans en - exiger aucune du bailleur ;
- aménager et entretenir l'ensemble des terrains;
- assurer l'entier respect des diverses lois et règlements de quelque nature qu'ils soient lorsqu'il effectuera toutes constructions et travaux.
- demander tout permis ou agréation nécessaire à son activité, en temps utile avec l'assistance du bailleur, si nécessaire;
- admettre en tous lieux dans le Domaine d'Annevoie au maximum deux fois par an, dans un délai de 30 jours après notification, les délégués de la RW aux fins de vérifier la bonne exécution par l'emphytéote des obligations qu'il a contractées;
Le Protocole prévoit en outre un
engagement de Monsieur Loumaye d'entreprendre dans les meilleurs délais
tous travaux nécessaires afin de, à ses frais, régulariser la situation
du Domaine d'Annevoie en ce qui concerne les infractions limitativement
listées en annexe au Protocole afin de régulariser la situation du
Domaine dans le but de pouvoir retrouver son statut de Patrimoine
Exceptionnel de Wallonie.
En ce qui concerne le rôle futur de la
SOGEPA dans le dossier Annevoie, le Protocole prévoit que la RW a le
droit, pendant toute la durée du bail emphytéotique, d'avoir un
représentant avec droit de vote au sein du conseil d'administration de
la Fondation. Elle peut en outre désigner un observateur ayant une
expertise reconnue en patrimoine, avec voix consultative. Cette mission
sera assurée par la SOGEPA au bénéfice de la RW.